Votre enfant subit une agression dans une Cour d’école :

Responsabilité des parents ?  Responsabilité de la Commission scolaire ? ou les deux?

À titre préliminaire, rappelons que pour engager la responsabilité civile d’une personne, il faut remplir trois conditions : une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

S’agissant de la responsabilité des parents :

L’article 1469 du Code civil du Québec (C.c.Q) dispose que :

« Le titulaire de l’autorité parentale est tenu de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute du mineur à l’égard de qui il exerce cette autorité, à moins de prouver qu’il n’a lui-même commis aucune faute dans la garde, la surveillance ou l’éducation du mineur.

Celui qui a été déchu de l’autorité parentale est tenu de la même façon, si le fait ou la faute du mineur est lié à l’éducation qu’il lui a donnée. »

Trois conditions sont donc nécessaires pour mettre en œuvre la responsabilité des parents :

  1. Il faut qu’ils soient titulaires de l’autorité parentale;
  2. Il faut un fait ou une faute du mineur;
  3. Il faut que l’enfant soit encore mineur;

Lorsque ces trois conditions sont remplies, les parents sont présumés fautifs. Autrement dit, la victime n’a pas à démontrer que les parents ont commis une faute dans la garde, la surveillance ou l’éducation du mineur. C’est aux parents de démontrer qu’ils n’ont pas commis de faute dans la garde, la surveillance ou l’éducation du mineur s’ils veulent s’exonérer de leur responsabilité.

Dans le cas d’espèce, les parents devront faire la preuve qu’au moment de l’agression, leur enfant mineur n’était pas sous leur garde et surveillance et que les gestes posés par leur enfant agresseur ne sont aucunement liés à l’éducation donnée.

Si les parents ne sont pas responsables de l’agression commise par leur enfant mineur dans une cour d’école, qui sera alors tenu pour responsable des préjudices subis par la victime ?

La responsabilité de la Commission scolaire :

L’article 1460 al.1 du (C.c.Q) dispose que :

« La personne qui, sans être titulaire de l’autorité parentale, se voit confier, par délégation ou autrement, la garde, la surveillance ou l’éducation d’un mineur est tenue, de la même manière que le titulaire de l’autorité parentale, de réparer le préjudice causé par le fait ou la faute du mineur. »

Selon l’auteur Jean-Louis Beaudoin, trois conditions sont nécessaires pour la mise en œuvre de cette responsabilité[1] :

D’une part, l’acte fautif ou illicite de l’enfant, d’autre part sa minorité, et enfin le statut de gardien, d’éducateur ou de surveillant de la personne recherchée comme responsable.

Dès lors que le demandeur a prouvé ces trois conditions, il existe une présomption de faute à l’égard du fait dommageable ou de la faute commise par celui dont il avait la garde, la surveillance ou le contrôle.

En l’espèce, c’est l’école qui avait la garde et la surveillance du mineur au moment de l’agression. Il y a donc une présomption de faute à l’égard de la faute commise par le mineur.

Toutefois, l’école peut se dégager de sa responsabilité en démontrant l’absence de faute.

À ce titre, l’auteur Beaudoin explique qu’il existe deux aspects importants qu’il faut analyser pour conclure ou non à l’absence de faute[2] :

1-797 – Surveillance adéquate – De l’étude de l’ensemble de la jurisprudence, on peut dégager la règle suivante : le responsable s’exonère en démontrant, d’une part, qu’il a exercé une surveillance adéquate de l’enfant (jugée selon les critères généraux de la faute) et que, d’autre part, malgré celle-ci, il lui a été impossible d’empêcher l’acte dommageable. En pratique, il est donc fréquent de voir le tribunal examiner avec attention le système général de surveillance de l’établissement dont le défendeur fait partie.

1-798 – Imprévisibilité de l’acte – Les tribunaux accordent aussi une grande importance à l’imprévisibilité de l’acte de l’enfant. Le défendeur peut s’exonérer en montrant que, malgré des précautions raisonnables de sa part, le comportement de l’enfant ne pouvait être connu de lui ou était si soudain, si inattendu que même la surveillance la plus étroite n’aurait pu l’empêcher. Il est donc rare de voir des comportements insolites ou inattendus d’un enfant donner naissance à une condamnation.

Si l’école réussit à démontrer qu’elle n’a commis aucune faute dans la garde et la surveillance et que l’acte était imprévisible, elle pourra s’exonérer de sa responsabilité.

Mais alors, qui indemnisera la victime de tous les préjudices subis si les parents de l’agresseur et l’école démontrent qu’ils n’ont commis aucune faute ?

Le demandeur pourra bénéficier des prestations prévues à la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC). En effet, l’IVAC peut accorder une indemnité à la victime d’acte criminel dès lors que certaines conditions prévues dans la loi sont remplies.

La question qui se pose est de savoir si la victime peut à la fois poursuivre son agresseur devant les tribunaux de droit commun et faire réclamation à la Direction de l’IVAC.

La réponse est fournie par l’article 10 de la loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels :

« Rien, dans la présente loi, n’affecte le droit du réclamant qui a choisi de réclamer le bénéfice des avantages de la présente loi de recouvrer de toute personne responsable du préjudice matériel, de la blessure ou de la mort les montants requis pour équivaloir, avec l’indemnité, à la perte réellement subie. »

Autrement dit, le fait de réclamer des prestations à l’IVAC n’empêche pas la victime de saisir les tribunaux de droit commun pour réclamer des indemnités. Attention, cela ne veut pas dire que la victime pourra être indemnisée deux fois pour le même préjudice.

En effet, il faut préciser que si l’IVAC accorde des indemnités à la victime, elle sera subrogée dans ses droits de sorte qu’elle pourra se retourner contre l’agresseur pour se faire rembourser les montants qu’elle a versés à la victime. La victime pourra également engager une action en justice contre l’agresseur devant les tribunaux de droit commun et ce, après avoir reçu les prestations de la part de l’IVAC. Toutefois, l’IVAC devra être partie aux procédures et toute entente entre les parties devra être ratifiée par elle.

Si la victime décide de s’adresser d’abord aux tribunaux de droit commun, elle pourra demander ultérieurement des indemnités auprès de la Direction de l’IVAC. Toutefois, l’indemnité de la Direction de l’IVAC ne pourra être versée que si elle est supérieure au montant reçu par les tribunaux de droit commun. Dans une telle situation, la Direction de l’IVAC s’assurera de déduire de l’indemnité qu’elle verse à la victime tous les montants reçus dans le cadre d’une poursuite civile.

Article rédigé par Mekouar Mohamed, Avocat


[1] Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS et Benoît MOORE, La responsabilité civile, Volume 1 : Principes généraux, 8e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, no. 1-786

[2] Id., no 1-797 et 1-798

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.